vendredi 25 octobre 2013

De Delphes à l'Afghanistan : le long chemin de Cléarque pour diffuser la sagesse


Cet article fait suite à celui publié il y a longtemps déjà sur Bérose et Callisthène :
L'homme dont je vais vous parler aujourd'hui est aussi un « passeur de savoir » ; il a sans doute bien connu Callisthène le neveu d'Aristote, puisqu'il était lui-même disciple de ce philosophe. Mais tandis que Callisthène a fait un long voyage pour récupérer des savoirs babyloniens, à la demande de son oncle, Cléarque de Soles, lui, voyageait pour répandre les savoirs grecs. En fait non, pas les savoirs, mais plutôt la sagesse, celle du temple de Delphes.

Au IVe s. av. JC, dans la foulée des conquêtes d'Alexandre le Grand en Asie Centrale, le Grec Kinéas fonde une ville dont le nom antique est perdu. Longtemps oubliée, elle a été redécouverte sur le site d'Aï Khanoum en Afghanistan en 1964, et fouillée depuis, avec tous les aléas que vous pouvez imaginer vu la situation politique de ce pays...

Parmi les découvertes, on a retrouvé une stèle portant une inscription en grec :


A gauche : « Ces sentences des anciens se trouvent dans le sanctuaire pythique sacro-saint. C'est Kléarque qui les y copia minutieusement et les mit ici, dans le sanctuaire resplendissant de Kinéas. » Suivent, à droite, des maximes delphiques à moitié effacées : « Dans l'enfance, sois modeste. Dans la jeunesse, sois robuste. A l'âge mûr, sois juste. Dans la vieillesse, sois judicieux. A l'heure de la mort, sois sans affliction. »

Il semble que Cléarque aurait copié aussi la totalité des 150 (environ) maximes du temple de Delphes. Quand je dis « copié », j'imagine que ce n'est pas lui qui est grimpé sur les échafaudages et qui a manié son burin pour couvrir les murs et colonnes du temple d'Aï Khanoum! N'empêche que c'est bien lui qui a parcouru (dans le sillage de l'armée d'Alexandre ou plus tard?) la longue route menant de Delphes à Aï Khanoum, tout ça pour quoi? Pour transmettre le miel de la sagesse grecque! Pour le transmettre aux colons grecs de ces lointaines contrées bien sûr, mais aussi aux Indiens, à des inconnus, des « barbares » au sens étymologique du terme (personnes qui ne parlent pas grec)... Une telle persévérance au profit de la transmission de la sagesse m'émeut. 

Mais ce n'est pas tout : il semble qu'effectivement ces maximes aient eu un écho en Inde, car Asoka, un grand roi indien du IIIe s. av. JC, a fait publier dans son royaume des édits en sanskrit, mais aussi en grec et en araméen (on en a retrouvé des inscriptions aussi). Asoka était très influencé par le bouddhisme naissant, mais ses édits rappellent aussi beaucoup les maximes delphiques. Vous voyez qu'on nage en plein multi-culturalisme à une époque où les communications n'avaient pourtant rien à voir avec aujourd'hui...

Une dernière chose me plaît. Pour que les historiens puissent aujourd'hui nous raconter cette histoire, ils se sont appuyés sur des inscriptions retrouvées en Grèce, des inscriptions retrouvées en Afghanistan, la transmission des textes grecs et la transmission des textes indiens : or tous ces éléments se complètent et se confirment les uns les autres. Mes élèves me demandent souvent comment on peut être sûr de telle ou telle chose concernant l'Antiquité, et je leur réponds toujours que l'on n'est pas sûr de tout, mais que la connaissance se fait surtout par croisement d'informations de sources variées : on en a ici un magistral exemple.

Pour terminer, deux articles sur lesquels je me suis appuyée :

- l'article de Wikipédia sur Cléarque de Soles, court, mais qui dit l'essentiel :

- « Les maximes delphiques d'Aï Khanoum et la formation de la doctrine du dhamma d'Asoka »
de V. P. Yailenko (1990) :
(j'ai aussi puisé dans cet article la traduction de la stèle)

- toutes les informations muséographiques sur la stèle :

- l'intégralité des maximes de Delphes transcrites par des écrivains grecs (car pour le coup, l'archéologie ne nous les a pas toutes livrées à Delphes pas plus qu'à Aï Khanoum), en grec et en français :
http://chaerephon.e-monsite.com/medias/files/septsages.html

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mercredi 2 octobre 2013

Le chameau d'Eratosthène


Je connaissais l'histoire d’Ératosthène, le savant grec d'Alexandrie qui, au IIIe s. av. JC, a mesuré la circonférence de la Terre en comparant l'ombre d'un bâton à Alexandrie et à Assouan, à la même heure.
Ce que j'ignorais et que j'ai appris récemment, c'est la manière dont il a mesuré la distance entre Alexandrie et Assouan : il s'est tout simplement servi d'un chameau, dont on a compté les pas, cet animal étant réputé pour avoir un pas particulièrement régulier. Le chameau n'a décidément pas cessé de nous étonner!...
NB : Je n'ai pas réussi à trouver les textes grecs ou latins à la source de cette précision. Si vous avez une idée...

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vendredi 5 juillet 2013

L'anti-facebook des Romains



C'est le lapsus d'une élève, me parlant de « liste d'amis » au lieu de « liste d'ennemis » qui m'a fait prendre conscience du rapport lointain que l'on pourrait établir entre les « amicales » listes de Facebook et les beaucoup moins amicales listes des proscriptions chez les Romains.
Il s'agit d'une horrible pratique qui eut lieu dans les années troublées des guerres civiles du Ier s. av. JC. Un homme prenait le pouvoir par la force, et il faisait afficher dans tous les lieux publics des listes de noms. Toute personne dont le nom figurait sur la liste pouvait être tué par n'importe qui sans que ce dernier soit accusé de crime. Un moyen simple, rapide et efficace pour éliminer ses ennemis.
Mais de même que les listes de Facebook sont loin de ne contenir que de véritables amis, de même les proscriptions ne contenaient pas que de véritables ennemis. On pouvait avoir un intérêt financier ou politique pour y faire figurer un nom. Ainsi, l'un des premiers plaidoyers de Cicéron, le Pro Roscio, magistralement mis en images par le docu-fiction de la BBC L'Affaire Sextus, montre comment un homme a été rajouté sur les listes de proscriptions du dictateur Sylla uniquement parce qu'un proche de ce dernier espérait récupérer ainsi son héritage! Quand à Cicéron lui-même, il fut sacrifié à l'autel d'une alliance politique, celle d'Octave et d'Antoine : pour sceller cette alliance, chacun d'eux exigea de l'autre qu'il fasse figurer sur leur liste de proscription commune un de ses anciens alliés. Octave sacrifia Cicéron à Antoine, qui n'avait notamment pas apprécié que Cicéron, dans un de ses violents discours contre lui, lui enjoigne en public d'aller cuver son vin (« Edormi crapulam! », Philippiques, "discours II", XII 30)!

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jeudi 23 mai 2013

Louise Vernet



Aujourd'hui, je vais vous parler d'une petite jeune fille apparemment effacée et qui pourtant se révèle presque un pivot de l'histoire de l'art en France au début du XIXe s.
Au commencement, il y a deux tableaux, situés à une dizaine de mètres de distance au Musée du Louvre. Le premier représente une petite sauvageonne de 4 ou 5 ans, les chaussettes en accordéon et les joues roses d'avoir couru dans le jardin, qui serre contre elle un chat qui semble son tigre apprivoisé et qui lance au peintre un regard de défi. Le deuxième, une quinzaine d'années plus tard, représente une jeune cruche au regard totalement inexpressif, vêtue et coiffée comme si elle était un objet d'art.




Puis un troisième tableau, habituellement à Nantes, mais qui pour quelques mois s'est rapproché des deux autres, puisqu'il figure dans l'exposition « L'ange du bizarre : le Romantisme noir au XIXe s. » (que je vous recommande vivement par ailleurs!!!) au Musée d'Orsay. Très dérangeant, il représente une jeune femme sur son lit de mort, sa beauté lumineuse rendue malsaine par la couleur blanche de sa peau et par l'aspect ridicule que la mort donne à sa bouche ouverte et à son œil clos, étrangement surmontée d'une auréole.



Or il s'agit bien de la même personne, Louise Vernet, éternisée à trois moments clés de sa vie : l'enfance, la jeunesse et la mort (il n'y aura pas de vieillesse, la pauvre est morte à 31 ans). Ce fait est déjà assez remarquable en soi. Mais ce n'est pas tout.
Les trois tableaux sont l'œuvre de trois peintres différents, tous célèbres (même si le premier l'est un peu plus que les deux autres). Or, chaque peintre a peint une Louise qui ressemble à son style de peinture :
  • Théodore Géricault, le peintre de la beauté animale, des chevaux, des tigres et des hommes aux muscles tendus, a peint une petite bien en chair, pleine de sève et d'énergie, prête à bondir griffes tendues comme son petit fauve.
  • Horace Vernet a peint sa fille avec autant de minutie, mais aussi de froideur, que ses scènes de batailles, dont Baudelaire, qui détestait ce peintre, disait : « M. Horace Vernet est doué de deux qualités éminentes, l'une en moins, l'autre en plus : nulle passion et une mémoire d'almanach ! Qui sait mieux que lui combien il y a de boutons dans chaque uniforme, quelle tournure prend une guêtre ou une chaussure avachie par des étapes nombreuses! » (Salon de 1846)
  • Paul Delaroche, le peintre romantique, qui fait pleurer la ménagère de moins de 50 ans avec sa manière pathétique de représenter des scènes historiques ou mythologiques, a peint son épouse neuf ans après sa mort comme une sainte dont la mort édifiera les foules (exactement comme il peindra l'année suivante, son tableau le plus célèbre, La Jeune martyre, aux airs d'Ophélie, mais surmontée aussi d'une auréole – et qui est, paraît-il, une représentation de sa fille, morte encore plus prématurément que sa mère).
Face à ces tableaux, je me demande où est la véritable Louise. Elle est si différente dans ces trois tableaux! Est-ce dû à son évolution personnelle, à ses propres changements, ou à l'œil de chacun des peintres? La question est d'autant plus compliquée que chacun des peintres a une relation très forte avec Louise : Horace Vernet est son père ; Paul Delaroche son mari et amoureux ; quant à Géricault, c'est un ami de la famille avec qui, malgré les 23 ans de différence, un rapport de séduction n'est pas exclu, comme souvent entre une petite fille et un ami de la famille célibataire. Il était d'ailleurs encore fort bel homme dans les années 1820 ; il se tuera d'une chute de cheval en 1824, quelques années après le portrait de Louise, alors qu'elle a dix ans : nul doute que cela ait marqué la petite fille...

On peut rêver des heures sur ces trois tableaux. 

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On peut aussi creuser encore l'histoire de Louise. En effet, il existe encore d'autres représentations d'elles :
  • une statuette d'elle portant dans ses bras son fils Horace bébé, par Jean Auguste Barre, conservée également au Louvre : là encore, elle est dans un rôle, celui de la Madone à l'enfant.



  • un autre portrait (mais présumé) par Paul Delaroche, assez charmant : vue de dos, le visage de profil, elle hume une rose ; si c'est bien elle, c'est sans doute le portrait qui semble le plus naturel. Ce tableau apparaît sur des sites de ventes aux enchères ; il n'est donc pas visible dans un musée.



  • un dessin d'un autre peintre célèbre, Ingres. Visiblement très contemporain de celui de Vernet ; Louise porte la même robe (avec un foulard en plus et une coiffure moins compliquée) et le même air cruche. Ce dessin est conservé dans la collection privée Ian Woodner aux États-Unis.



  • un affreux portrait d'un certain Adolphe Yvon, apparemment plus porté sur la peinture militaire, où elle apparaît comme une bourgeoise stupide.

     
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Vous trouverez tout cela en tapant simplement « Louise Vernet » dans un moteur de recherche d'images.
Vous trouverez aussi que ce n'est pas que des peintres qu'elle a été la muse. Alors qu'elle avait accompagné à Rome son père, nommé directeur de la Villa Médicis entre 1828 et 1833, elle y rencontra un de ses pensionnaires célèbres, Hector Berlioz, dont elle chantait volontiers les airs au piano et qui lui a dédié la mélodie qu'il a composé sur « La Captive », un poème de Victor Hugo, dont j'aime imaginer Louise chanter le dernier couplet :
« Mais surtout quand la brise
Me touche en voltigeant,
La nuit, j’aime être assise,
Être assise en songeant,
L’œil sur la mer profonde,
Tandis que, pâle et blonde,
La lune ouvre dans l’onde
Son éventail d’argent. »


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samedi 4 mai 2013

Hermès et Kirikou

Je suis retombée l'autre jour sur L'Hymne homérique à Hermès. C'est un poème grec anonyme très ancien, qui fut un temps attribué à Homère (de même que d'autres « Hymnes homériques »), d'où son nom. Il s'agit d'un petit conte mythologique court et drôle (qui a d'ailleurs servi de point de départ à l'excellent Feuilleton d'Hermès de Mireille Szac, que je ne saurais trop recommander à tous les parents de jeunes enfants).
Or, en le relisant, j'ai été frappée par la similitude entre le personnage d'Hermès tel qu'il apparaît dans cette œuvre et le personnage de Kirikou tel que l'a conçu Michel Ocelot dans son dessin animé Kirikou et la sorcière. Les deux garçonnets en effet, à peine sortis du ventre de leur mère, parlent et marchent comme de grands enfants, mais gardent une petite taille. Les deux ont des idées ingénieuses à revendre. Et, de l'un comme de l'autre, on se méfie peu au début puisqu'on ne les considère que comme des bébés. Enfin, chacun a un père absent et une mère tendre et aimante. En revanche, en fait de sorcière Karaba, c'est à son grand frère le dieu Apollon que le petit Hermès est confronté ; mais, comme Kirikou, il finit par se réconcilier avec son ennemi grâce à sa générosité.
Je ne sais pas si Michel Ocelot s'est vraiment inspiré de ce texte. Si un jour lui ou une de ses connaissances tombe sur ce blog, il nous le dira peut-être...
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Références :
- Traduction française de l'Hymne homérique à Hermès (il s'agit de la traduction de Lecomte de Lisle, très littéraire, mais qui sonne parfois un peu étrangement) :
- Article sur Le feuilleton d'Hermès de Murielle Szac, où vous trouverez les références complètes et un commentaire de cet ouvrage.


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jeudi 18 avril 2013

De l'Akkadie à l'Acadie en passant par l'Arcadie


Je sursaute toujours en entendant parler des « Acadiens », je crois qu'il s'agit des « Akkadiens » de ma chère Mésopotamie, puis je suis déçue : il n'est question que d'Américains! Toutefois, je me suis toujours demandé s'il n'y avait pas un rapport.
J'ai enfin eu la réponse. Non, mais c'est quand même intéressant! L'origine des « Acadiens » a bien trait à l'Antiquité, mais pas mésopotamienne.

En 1524, Giovanni Verrazano, navigateur florentin au service de François Ier et soutenu financièrement par des banquiers italiens de Lyon et d'autres villes de France, atteint une région à laquelle il donne le nom d' « Arcadie », nom qui se transforme vite en « Acadie ».

Alors, pourquoi « Arcadie »? Il s'agit d'une région montagneuse de la Grèce centrale. Cette région a surtout été idéalisée par des poètes grecs comme Théocrite, poète grec du IIIe s. av. JC, qui écrit un recueil de Bucoliques, c'est-à-dire « Bouviers », les bouviers étant considérés comme les plus nobles des bergers. Dans ces poèmes, il est certes question de vaches (et aussi de chèvres et de moutons), mais surtout de jeunes bergers et bergères pleins de grâce, de leurs chants et de leurs amours. De nombreux auteurs antiques reprendront ce thème de la vie idéalisée et de l'amour simple et naïf des bergers (parmi les plus célèbres, le roman de Longus, Daphnis et Chloé, ou encore le recueil de poèmes Les Bucoliques (aussi!) du poète latin Virgile). Puis les XVIe, XVIIe et XVIIIe s. européens verront exploser le thème dans la peinture, la poésie, les romans (L'Astrée d'Honoré d'Urfé), les opéras, les chansons (« Il pleut bergère »), etc. Or, dans la plupart de ces oeuvres, les bergers en question sont situés en Arcadie, non pas la vraie Arcadie, mais une région tout aussi idéalisée que le sont les bergers qui la peuplent. C'est le cas par exemple dans ce tableau de Poussin que j'aime énormément et précisément intitulé Les Bergers d'Arcadie! Des bergers y déchiffrent une inscription latine sur un tombeau : « Et in Arcadia ego » (mot à mot « Même en Arcadie moi », c'est-à-dire, « Même en Arcadie, je suis là »), variation des tableaux de Vanités, introduisant la présence de la mort même au milieu du cadre le plus idyllique.
Pour le Florentin du début du XVIe s. qu'était Verrazano, on est en pleine redécouverte de l'Antiquité, le thème de l'Arcadie heureuse n'est pas encore un cliché éculé, mais une image pleine d'espoir!
L'histoire de l'Acadie par la suite a été mouvementée, comme vous le savez ou comme vous le découvrirez en lisant d'autres articles sur la toile ou ailleurs (car je suis peu compétente en histoire de l'Amérique). Aussi, si les Cajuns de Louisiane savent qu'ils se rattachent aux Acadiens d'Acadie et que ceux-ci puisaient leurs origines en France, ils se souviendront aussi que, par leur nom, ils se rattachent au Arcadiens de l'Antiquité grecque (mais pas aux Akkadiens de la Mésopotamie!) et que leur harmonica n'est peut-être pas si éloigné de la flûte de Pan des bergers d'Arcadie...

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mercredi 27 mars 2013

François-René deux siècles plus tard


Par un de ces hasards étonnants, voici que, moins d'une semaine après avoir lu et vous avoir renvoyé à l'article de Mara Goyet sur un épisode de la scolarité du jeune Chateaubriand, il m'est arrivé presque la même aventure dans un de mes cours.

J'avais pris le carnet de correspondance d'un élève qui s'était montré particulièrement pénible, pour y écrire un mot, quand l'élève, faisant appel à mon indulgence, lève les yeux vers le mur de la classe où j'affiche semaine après semaine les « phrases de la semaine » et s'exclame :
- Madame, s'il vous plaît! « Errare humanum est. »!
Je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire, car il est vrai que « l'erreur est humaine », et puis je suis touchée par cet appel au latin pour se sortir d'affaire, d'autant plus que cela me rappelle l'histoire de Chateaubriand. L'élève, encouragé par mon sourire, ajoute alors :
- « Bis repetita placent »!
Je suis déjà plus sceptique, car s'il veut me faire comprendre qu' « il est plaisant » que je « répète » un comportement d'indulgence que j'ai déjà eu envers lui, je pense aussi qu'il n'est guère « plaisant » qu'il « répète » les mêmes bêtises!
Pendant que je réfléchis, mon élève, emporté par son élan, repart de plus belle avec :
- « Qui bene amat bene castigat »!
Ce fut une erreur fatale.
- En effet, repris-je, « Qui bene amat bene castigat »!
Et je gardai son carnet.

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mercredi 20 mars 2013

Le récit poignant de François-René, collégien breton sauvé par le latin

Allez lire cet article du blog de Mara Goyet :

http://maragoyet.blog.lemonde.fr/2013/03/07/le-recit-poignant-de-francois-rene-collegien-breton-sauve-par-le-latin/

J'aurais voulu l'avoir écrit!

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vendredi 15 mars 2013

Proba Falconia : une troisième poétesse latine!

Vous souvenez-vous d'un des premiers articles de ce blog, où j'évoquais les écrivains romains femmes?

Je n'avais réussi à en recenser que deux et j'appelais mes lecteurs à me faire signe si vous en rencontriez d'autres. Personne ne m'a fait signe. Eh bien, tout vient à point à qui sait attendre : je viens six ans plus tard d'en trouver une troisième!

Il s'agit de Proba Falconia, une Romaine chrétienne du IVe s ap. JC. On n'a d'elle qu'un seul ouvrage, assez curieux. Il s'agit d'un centon. Un centon est une œuvre littéraire composée uniquement de passages pris à d'autres œuvres (célèbres, en général). Le centon de Proba est pour le moins original, puisque qu'elle n'a pioché ses morceaux que chez un seul auteur, Virgile, et ce pour composer un poème résumant l'Ancien et le Nouveau Testament!
Ce jeu littéraire ne lui a visiblement attiré presque que du mépris au cours des siècles, pourtant l'Oulipo aurait certainement aimé la compter dans ses rangs.

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samedi 5 janvier 2013

Basilic et estragon : attention, épices méchantes

Nous ne nous éloignons pas du thème de l'article précédent, puisque je vais à nouveau vous parler du dragon, ainsi que d'une autre créature effrayante, le basilic. Dans l'article précédent, les créatures mythiques étaient déjà descendues bien bas avec ce terne poisson qui se traîne au ras du sol marin, mais c'est encore pire dans l'exploration que je vous propose aujourd'hui, puisque deux des plus effrayantes créatures des mythologies se retrouves métamorphosées en inoffensives herbes aromatiques!

Le basilic, eh oui! Peut-être qu'en sortant du cinéma où vous aviez vu l'épisode de Harry Potter où celui-ci terrasse un basilic, vous êtes allés vous restaurer dans une pizzeria voisine où vous avez commandé une salade de tomates au basilic... Alors, quel rapport? C'est le roi, « basileus » en grec, à l'origine du prénom « Basile ». Aristote nous dit que le basilic était appelé « plante royale » ; il ne nous dit pas pourquoi, mais pas besoin d'être linguiste pour comprendre! Dans ma famille, on appelle le comté, le « roi des fromages »... Quant à la terrible bête mythique dont le regard était censé pétrifier (comme celui de la Méduse), c'était le « serpent royal » ou « roi des serpents », puisque le plus terrible de tous.

Bon, pendant que j'y suis, je fais un détour par la « basilique », parce que je sens que vous allez me poser la question. C'est une longue histoire, celle d'une forme architecturale qui change de fonction, mais pas d'aspect!
- D'abord « palais royal » (d'où ce nom) chez les Grecs très anciens, puis résidence de l'archonte-roi (fonction religieuse honorifique) à l'époque démocratique.
- Chez les Romains, c'est un vaste bâtiment avec une grande allée centrale pour flâner quant le temps est mauvais dehors et sur les côtés, sur deux niveaux, des galeries donnant sur de petites pièces abritant soit des boutiques, soit des salles de tribunal. J'y pense souvent, mutatis mutandis quand j'erre dans le centre commercial de Rosny 2, qui a exactement cette architecture et au moins deux de ces trois fonction (commerce et flânerie). 
- Les premiers Chrétiens, une fois sortis de la clandestinité des catacombes, utilisèrent ces bâtiments romains pour y pratiquer leur culte ; on a ensuite préféré le terme d' « église », mais « basilique » est resté pour les premières églises ou pour certaines que l'on a voulu signaler comme remarquables.

Revenons à nos monstres et au dragon. Si vous aviez reconnu le basilic (monstre) dans le basilic (plante), vous n'auriez peut-être pas pensé trouver un dragon dans l'estragon. C'est pourtant bien la même racine grecque, passée en français par l'intermédiaire de l'arabe, d'ailleurs, d'où sans doute le « es- », trace de l'article arabe. Je n'ai pas réussi à trouver le rapport entre estragon et dragon, mais les dictionnaires étymologiques (j'ai consulté mes deux grandes références, le Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, et le Trésor de la Langue Française Informatisé, TLFI, consultable sur internet) nous indiquent que l'estragon est de la même famille que la « serpentaire », où l'on reconnaît le même animal (serpent et dragon se mêlent beaucoup dans les légendes). Ce nom aurait été donné « par analogie de forme, d'aspect avec le serpent ou par la propriété qu'on leur attribuait de tuer les serpents ou de guérir de leurs morsures » (Tlfi). Je doute fort de la dernière hypothèse, qui sent plutôt la légende construite après coup. L'analogie vient à mon avis de ce que la serpentaire est une plante « à tiges rampantes » (ibid). En effet, comme j'aime les herbes aromatiques, j'ai pensé aussi au serpolet, et là, bingo, les deux dictionnaires en donnent une origine très claire : « serpolet » a la même racine que « serpent » ; cette racine, « *serp » en latin et « *herp » en grec (d'où l' « herpès », eh oui!) signifie « ramper ». De fait, l'herpès rampe insidieusement au bord de nos lèvres et le serpolet rampe entre les rochers, la serpentaire aussi. L'estragon, pas trop. En revanche, il paraît (d'après l'article « estragon » de Wikipédia) que ses racines ont la forme d'un serpent. J'avoue n'avoir jamais arraché un plant d'estragon. Mais il y a sûrement parmi vous de meilleurs botanistes que moi qui pourront me confirmer ce fait.


En tout cas, la prochaine fois que vous assaisonnerez vos plats avec du basilic ou de l'estragon, vous songerez un peu aux monstres terrifiants qui s'y cachent...


Je pourrais finir là, mais je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager une très jolie fleur cueillie sur le chemin (dans les citations proposées par le Tlfi). C'est une phrase extraite du très beau roman de Lamartine, Graziella (1849), que j'ai pourtant déjà lu deux fois avec plaisir, mais sans avoir remarqué cette phrase sublime :
« Je vis qu'elle avait le blanc des yeux plus humide et plus brillant qu'à l'ordinaire, et qu'elle froissait entre ses doigts et brisait une à une les branches d'une plante de basilic qui végétait dans un pot de terre sur le balcon. »


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